
Nos vies heureuses
Un film de Jacques Maillot
On s’est retrouvé sur Nos vies heureuses avec beaucoup de comédiens, beaucoup de décors et pas assez d’argent. A l’époque, je faisais partie de la production et mes associés m’avaient demandé si je pensais qu’il était réaliste de tenter l’aventure. J’avais proposé que chaque chef de poste prenne à son compte le pari qu’un quart d’heure après avoir mis les pieds sur un décor, on soit prêt à tourner. Enfin qu’on se dise prêt à tourner, même si on ne l’est pas vraiment. Pour ma part, je m’engageais à allumer une simple torche s’il le fallait. On est parti comme ça. Nous n’avons pas forcément tenu ce pari, mais cela a donné un état d’esprit dans lequel tout le monde s’est engouffré et qui a donné une belle énergie au tournage. C’est cette énergie qui devient l’esthétique du film. Un peu comme les photos de Nan Golding (que Jacques m’avait données en référence) qui peuvent aussi bien tirer parti d’une lumière préexistante esthétique, que donner un coup de flash écrasant en cas de besoin.
Avec Jacques on avait décidé de travailler en plan séquence, à la fois dans un souci de rapidité, mais aussi je pense parce que Jacques trouvait qu’une séquence qui n’est pas monté, c’est à dire où il n’y a pas de coupes, est plus réaliste.
Les comédiens commençaient par s’approprier la scène en répétition, puis je rentrais dans la danse, caméra à l’épaule, pour faire une suggestion de plan séquence. Jacques modifiait les choses en fonction de ce qu’il voyait sur un petit retour. Une fois que l’on était d’accord sur la façon de faire, il ne regardait plus le retour et se concentrait sur les comédiens en direct.
L’idée au départ était de changer de focales entre les prises, et même de passer aux contrechamps. Mais on s’est vite aperçu qu’à force de travailler le plan en répétition, on arrivait à une certaine perfection qui n’avait plus de raison d’être filmé autrement. Au montage, quand ils ont voulu réduire ces plans séquence, il leur a fallu procéder en retirant des tronçons de séquence. Ce qui n’était pas impossible, car la caméra, très mobile, changeait souvent d’axe et de valeur.
Filmé en Super 16, sur Aaton, avec des optiques Zeiss G.O, de la pellicule Kodak, sans jamais sortir le pied.